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22 décembre 2016 4 22 /12 /décembre /2016 15:09
Amiens. Courrier Picard. Août 1979. © Gérard Crignier.

Amiens. Courrier Picard. Août 1979. © Gérard Crignier.

Cher épistolier fou à lier,

 

Dix jours. Dix jours pour être au 31. Pour être au 31 Décembre. Dernier jour de l'année 2016. Dernier jour de l'année et dernière lettre. Dix jours et dix lettres. Pour aller au bout de ton incroyable défi. T'écrire à toi-même une lettre chaque jour de cette année qui plus est bissextile. 366 lettres. 366 lettres à toi-même. Jusqu'au 31 Décembre. Dernier jour et dernière lettre. Des esprits chagrins ou sincèrement tristes, vraiment attristés, te feront remarquer que tu en as manqué quelques unes ou que le facteur blogueur - blagueur aussi sans doute - a dû en route égarer quelques unes de tes numériques missives, comme ça arrive, de temps à autre, au facteur des vraies lettres de la vraie vie. Ce facteur éclectique qui circule désormais... électrique.

 

Tu relis ce que "tu" t'écrivais, le 31 Décembre dernier, dans cette première lettre à... "toi-même" : 

" Je me demande à quand remonte ma dernière lettre reçue. La dernière enveloppe à mon nom et à mon adresse déposée dans ma boîte aux lettres par le facteur de mon quartier. En ces temps SMS, Texto, Twitter, Instagram, Whatsapp ou autre Snapchat, recevoir une lettre, une vraie lettre avec un vrai timbre, une vraie lettre avec une belle adresse manuscrite, une lettre qui ne soit pas missive EDF ou ENGIE, relance de facture impayée ou harponnage commercial, relève du miracle. Comme je ne crois pas aux miracles, j'ai cette fois vraiment décidé de m'écrire à moi-même. Une lettre par jour. La première datée du premier jour de l'année. On y est. J'y suis.

Problème : vais-je me dire "Cher vous" ou "Cher toi" ? Vais-je me tutoyer ou pas ? Ou bien dois-je m'écrire simplement comme on écrit à un ami ? Pour lui souhaiter, par exemple, Happy New Year. Même si, comme Gramsci, j'ai une sainte horreur du rituel obligé du Nouvel An. Antonio Gramsci qui écrivait il y a exactement 100 ans : "Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c'est pour moi la nouvelle année. C'est pourquoi je hais ces Nouvel An à échéance fixe qui font de la vie et de l'esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l'exercice à venir."

2016. Nouvelle année. Une année 2000, mais une seize. Seize qui rime avec A 16, l'autoroute pas loin de chez moi, même si je garde une inoxydable préférence pour les chemins de traverse. Seize qui rime avec ascèse, mode de recherche personnelle qui n'est pas pour moi. Même si donner un sens à sa vie passe par un cheminement intérieur et une forme d'exigence morale.

Gramsci encore : "Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour."

 

En ce siècle toujours débutant où l'on a cessé de s'écrire de "vraies lettres", décider de s'écrire, chaque jour, une lettre qu'on s'adresse à soi-même, tient sans doute d'une folie particulière, une folie douce qui se faufile en douce. Manière de revisiter le journal intime sans le "Je". Même si le "Je" se cache ou se couche, ou se lit, bien sûr, aussi dans le lit du "Tu".
 

 

Une certitude en tout cas, tu touches au but, sinon au port, et tu repenses très fort à ce 31 Décembre 2015 où tu t'es lancé ce défi absurde de t'écrire chaque jour, chaque matin ou chaque soir, une lettre à toi-même, parce que tu ne supportais plus ta boîte aux lettres désespérément... vide.

356 lettres plus loin, - preuve que ça n'était pas en vain -, tu te dis qu'arrive bientôt - mais oui - le temps de te... relire.

 

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