Cher Amiénois des Croix de bois,
Tu ne sais pas ce que signifie cette installation, comme on dit aujourd'hui. Toi, dans l'instant, tu penses que c'est un hommage aux Croix de bois de Dorgelès. Aux morts de toutes les guerres. Aux morts d'aujourd'hui, aux morts d'hier. Aux morts de Syrie. Aux morts d'Alep. Il n'en est rien. Mais, peu importe, dans ta tête et dans ton coeur, toi tu penses aux morts de toutes les guerres et aux pacifistes de tous les Pays. Même s'il n'y en a plus guère.
Le long des chemins du front, on trouvait souvent une ligne à perte de vue de croix de bois, faites à la va-vite, et posées au-dessus des cadavres de soldats allemands ou français. Soldats inconnus, jeunes soldats, c’est en leur hommage que Roland Dorgelès, né à Amiens, a écrit son roman. Pour leur souvenir et pour leur mémoire.
Publié en 1919, aux éditions Albin Michel, inspiré de l'expérience vécue par son auteur durant la Première Guerre mondiale, pressenti pour l'obtention du prix Goncourt de 1919, le roman est finalement devancé par A l'ombre des jeunes filles en fleur de Marcel Proust, qui remporte le prix par six voix contre quatre. L'éditeur des Croix de bois fera paraître le volume avec le bandeau « Prix Goncourt - 4 voix sur 10 » et il sera condamné pour cette action devant un tribunal à 2 000 francs de dommages et intérêts.. Roland Dorgelès obtiendra toutefois le Prix Femina.