Cher auditeur désemparé,
Tu le sais bien, l'époque est terriblement dérisoire et cruelle. Mais à ce point d'écœurement, non, tu ne l'imaginais pas. Tu ne pensais pas ça possible. Avec autant de légèreté, pour ne pas dire de grossièreté, le flashman du petit matin annonce mécaniquement: "Grosse galère pour 12.000 voyageurs du TGV". Titre banal, efficace, pour le présentateur des infos qui se doit d'être sans état d'âme et qui précise: Les voyageurs à destination de Paris, Lyon, Marseille et Montpellier sont arrivés avec quatre heures de retard.
Sans s'étendre sur la cause, la voix de la radio explique: un TGV a percuté une personne dans l'Yonne, lundi, vers 17 heures, ce qui a provoqué des retards pour une vingtaine de rames, Paris-province et province-Paris.
Des voyageurs TGV ont perdu 4 heures. Un désespéré a perdu la vie. Personne n'a dit "Grosse galère pour l'être humain qui s'est suicidé en marchant froidement face à un TGV. Quatre heures de retard pour 12.000 voyageurs, ça, c'est une info, mais un être humain, une personne, un être vivant qui décide de mourir face à un TGV, un suicidé à grande vitesse, non, ça ne mérite pas un mot, ça ne se fait pas, ça ne se dit pas. On se voile la face. On efface. La SNCF a sa superbe formule pour parler de la mort de quelqu'un: Accident de personne ! Comme si la personne n'était... personne.