Cher vieux journaliste radieux,
Curieux, vraiment, ce vieux camarade que tu croises centre ville. Tu ne l'as pas vu depuis des lustres, pour ne pas dire depuis dix ou quinze ans et tu pensais justement à lui ce matin. Un homme charmant, cultivé, élégant, qui a toujours le sens de la formule et qui adore stigmatiser ton talent d'intervieweur: Toi, au moins, tu n'as pas besoin de faire l'âne pour avoir du son.
Faire l'imbécile pour obtenir quelque chose, sûr, ça n'a jamais été ta méthode. Ta raison d'être. Même pour découvrir le pot aux roses.
Le pot aux roses, expression qui remonte au siècle de Rutebeuf. "Car je tantost descouvreroi le pot aux roses", autrement dit en "françois" d'aujourd'hui : « Parce que je découvrirai bientôt le pot aux roses ». Au XIIIe siècle, « découvrir » c'est littéralement « soulever un couvercle ». Au Moyen Âge, le « pot aux roses », c'est la petite boîte dans laquelle les jeunes femmes fortunées rangent leurs parfums, et surtout le rose précieux dont elles aiment à se farder. Elles y cachent aussi des mots doux ou secrets.
Retour au son, au son de l'âne. Voilà donc un animal qui, - tu te demandes bien pourquoi ? - symbolise depuis toujours la stupidité et l'entêtement.
Donc, faire l'âne c'est bien faire l'imbécile, mais le son de la radio n'a rien à voir avec le son de l'âne. Pourtant, côté son, l'âne a de la voix pour pousser sa chanson.
Le son de l'âne en train de braire n'a rien à voir avec le son de sa pitance. Notre son ici, n'est pas le bruit qu'il émet, mais la pitance qu'il attend. Ce son-là n'est autre, en effet, que l'écorce de céréales que l'âne avale avec gourmandise.
Cette expression était utilisée au XVIe siècle par Rabelais qui écrivait, en vieux français: «Gargantua faisait de l'âne pour avoir du bren». Le bren, premier nom du son. Bien reçue la leçon.
Journaliste radio, journaliste radieux. Pour être une bonne voix, il faut d'abord être une bonne oreille.