Cher samedi nuageux, pour ne pas dire ombrageux,
Relire Claire Etcherelli. D'abord Elise ou la vraie vie. Editions Denoël. 1967. Puis A propos de Clémence. 1971. Tu as toujours été fasciné par l'attaque du premier roman de Claire Etcherelli. Par les cinq ou six premières phrases. Tu t'es tout de suite dit que si, un jour, tu es capable d'écrire, tu aimerais que ce soit comme ça. De cette façon là. Comme on respire. Même si, parfois, on a, dans tous les sens de l'expression, du mal à respirer. Elise ou la vraie vie, ça commence "cut ", ça taille dans le réel. C'est direct. Efficace. Sans fioritures. On entre dans le roman comme dans le réel. On entre dans le roman comme dans la vie... la vraie vie.
Tu relis pour ça. Pour donner envie de relire aussi. Tu partages, comme on dit, aujourd'hui, sur les réseaux dits "sociaux".
"Surtout ne pas penser. Comme on dit "Surtout ne pas bouger" à un blessé aux membres brisés. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mêmes, celles d'hier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les dernières phrases de la dernière conversation, les mots que la séparation a rendus définitifs, se dire qu'il fait doux pour la saison, que les gens d'en face rentrent bien tard..."
Plutôt bien dit, non ? Tout est dit et rien n'est dit. 1967. Sans doute écrit en 1966. Deux ans avant 1968. Mai 68. Relire, oui. Relire et se mettre à écrire. Se remettre à écrire. Puisque tu ne sais rien faire d'autre.
Ils ont de la chance, les gens qui n'écrivent pas. Ils ont bien de la chance, les gens qui n'éprouvent pas le besoin d'écrire.