Cher citoyen désabusé, écoeuré, révolté, trahi, bafoué, laminé,
Tu ne peux pas ne pas savoir. Tout le monde en parle. Ça fait la une de tous les journaux, les titres et les sujets de toutes les radios et de toutes les télés. La ministre du travail, Myriam El Khomri, devrait présenter, demain, mercredi 9 Mars, en conseil des ministres, son projet de loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs". En prime, au cas tu aurais des doutes, on te précise que le texte entend donner un poids accru à la négociation collective.
Un poids accru. De nouvelles protections. Les actifs ! Tu imagines le vocabulaire: ils n'osent plus dire "ouvriers, employés, cadres, salariés". De nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises. Quel aveu ! Les entreprises avant les actifs. Désolé pour la grossièreté de mon propos: c'est une loi pour les patrons, pas pour les travailleurs. Incroyable, non, pour le 80 ème anniversaire de 36.
Si tu pensais qu'un gouvernement de gauche avait pour première priorité la défense et la protection des plus faibles, des plus fragiles, des petits et surtout des petits salaires, te voilà éclairé: comme disait Léo Ferré "La gauche, c'est l'antichambre de la droite !" De fait, la gauche au pouvoir, ça réussit à mettre en place des mesures auxquelles la droite n'osait même pas rêver.
Leur loi, c'est du MEDEF à DONF ! C'est du Gattaz dans le texte. Du Yvon revisité par Pierre. Au nom du père, au nom du fils !
Valls, Macron ? des infiltrés de l'UMP dans le gouvernement de "gôche". Rendez-nous Jaurès et Blum ! Toujours la même attitude du côté de cette gauche libérale ouverte au marché mondialisé. Toujours les mêmes arguments à la manoeuvre. En fait, des mesures qui ne sont qu'un retour au passé. Au siècle du CNPF.
Ne vous étonnez donc pas si dans la loi, y' a que dalle sur le plafonnement des salaires des grands patrons, rien sur la suppression des parachutes dorés, mais bien sûr, - on ne prête qu'aux riches et on ne pique qu'aux pauvres -, tout sur le plafonnement des indemnités de licenciement, tout sur le fractionnement des jours et même des heures de repos, tout sur la désormais non indemnisation des temps d'astreinte, tout sur les heures supplémentaires payées au moins 10 % (pour plus devoir les payer 25 %), tout sur la clarification (sic) des règles régissant les licenciements économiques, tout sur la planche à raboter les droits.
Les droits acquis, oui. Souvent chèrement acquis. Les droits à qui ? Aux salariés !
Florilège d'une loi un peu... lège:
" L'assouplissement " du temps de travail :
La durée maximale de travail pendant une journée reste fixée à dix heures, mais un accord collectif peut porter ce seuil à douze heures "en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise", à condition de ne pas aller au-delà.
De même, la durée maximale de travail pendant une semaine est fixée à quarante-huit heures mais les services du ministère du travail peuvent, ponctuellement, élever ce plafond à soixante heures, en cas de "circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci ".
En outre, les salariés peuvent, si un accord collectif le prévoit, être amenés à travailler quarante-six heures par semaine, au maximum, pendant seize semaines. Et voir leur temps minimal de repos quotidien provisoirement réduit.
Le plafonnement des indemnités de licenciements:
Les dédommagements accordés par les prud'hommes aux travailleurs du privé victimes d'un licenciement abusif seront plafonnés en vertu d'un barême fondé sur l'ancienneté. Si le salarié est employé depuis moins de deux ans dans son entreprise, il percevra, au maximum, trois mois de salaire en cas de licenciement "sans cause réelle et sérieuse".
La somme montera à six mois de salaire s'il s'y trouve depuis deux à cinq ans; à neuf mois de salaire s'il y est depuis cinq à dix ans; à douze mois de salaire si son ancienneté est comprise entre dix et vingt ans; à quinze mois de salaire au-delà de vingt ans de présence dans l'entreprise.
La reformulation des motifs des licenciements économiques:
L’avant-projet de loi précise les motifs qui peuvent être invoqués pour prononcer des licenciements économiques: difficultés caractérisées notamment par « une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs », « pertes d’exploitation pendant plusieurs mois », « importante dégradation de la trésorerie ».
Peuvent aussi être mises en avant des « mutations technologiques » ou une « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ». Un accord de branche peut fixer la durée de la baisse de commandes ou du chiffre d’affaires, qui ne peut cependant être inférieure à deux trimestres consécutifs, ou la durée des pertes d’exploitation (au moins un trimestre).
A défaut d’accord, ces durées sont respectivement fixées à quatre trimestres consécutifs et un semestre.
Tu relis "Oublie pas 36 ", ton roman publié en 2006, au Castor Astral, pour les 70 ans du Front populaire. Les 70 ans des premiers congés payés, des premiers vrais droits sociaux, de la sécurité sociale et du droit à la retraite. Des mots et des réalités que tu qualifiais déjà, il y a 10 ans, - parodiant les faussaires et les fossoyeurs de l'époque -, de vulgaires et d'obsolètes. Avec le temps, manifestement, ça ne s'est pas arrangé. Les fossoyeurs sont plus déterminés que jamais. Ils se sont déguisés en socialistes.
" Faciliter les licenciements, pour créer des emplois ", argument de sophiste, raisonnement faux qui n'a que l'apparence du vrai.
Toi, tu gardes ton analyse et tes convictions intactes. Tu penses à ce que n'a jamais cessé de dire ta maman tout au lond de sa vie: On a souvent tort d'avoir raison trop tôt !