Somnambule diurne,
Parfois, tu pars sans vraiment savoir pourquoi. Droit devant. Tu marches décidé. Tu fais confiance à tes pas. Les pas ont une bonne mémoire de la ville. Tu veux ta part de bitume. Tu slalomes quand trop de voitures encombrent le bord du trottoir. Tu zigzagues pour éviter les obstacles. Au fond de ton âme, tu as le meilleur des GPS. Tu te géolocalises quand même des points de passage pour toi-même. Des romans vont s'effacer avant que tu ne les relises. Tu penses qu'il n'y a plus de temps à perdre. Tu rentres chez toi. Tu boucles tes deux valises. Tu déréalises.
Il y a aussi des jours où tu ne sors pas, où tu décides de voyager dans ta tête. De la véranda, tu pilotes un bateau imaginaire. Au fond du jardin, au-delà du mur de briques et de joints de ciment clair, tu vois la mer. Tu fermes les yeux et tu entends le bruit des vagues. Le vent s'engouffre dans les arbres. Son souffle annonce les tempêtes à venir.
lI y a encore des jours où tu dévores les yeux fermés ces livres que tu n'as pas ouverts depuis longtemps. C'est un début de chapitre, une page entière ou un épilogue monologue. C'est le dernier paragraphe. La dernière phrase. Rarement l'incipit.
Tu te souviens de Sartre et de son fameux :
"Si je range l'impossible salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ?
Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui."
On n'a jamais dit mieux.