Cher libraire de plein air,
Tu te souviens de l'averse froide et si soudaine que le passant sans parapluie s'invite sous tes auvents ? Parfois ces animaux citadins sont désemparés au point de sauter à cloche-pied dans les flaques pour aller d'une berge à l'autre de cette rivière inattendue qui s'empare de toute la rue.
Pluie froide sur le quai, c'est journée morte. Les boîtes vertes restent muettes. Déjà, ces derniers jours, sur la portion qui va de Montebello à La Tournelle, ta portion de quai préférée, vous n'étiez guère nombreux à risquer l'ouverture. A peine cinq ou six. Le mauvais temps n'explique pas tout. Un de tes voisins t'a dit: "Avec les soldes, tu comprends, les gens n'ont plus d'argent pour la littérature !"
Tu as pensé à la citation en exergue du catalogue de livres anciens que tu reçois chaque mois: "Quand j'ai un peu d'argent, j'achète des livres et s'il m'en reste, des vêtements et de la nourriture."
Un choix de vie vraiment impensable aujourd'hui. Plus dans l'air du temps. Pas même les jours de mauvais temps.
Tiens, chiche: un café ou un Poche, à qui trouve le nom de l'auteur de la citation !