Cher poète à deux rimes,
Quand tu déprimes et que tu penses que tu n'arriveras jamais à écrire le dixième de ce que tu voudrais dire, quand tu te rappelles que ta première idée de roman, c'était Le livre impossible, et qu'au fond, ton livre est plus impossible que jamais, quand tu te dis que les mots du silence feraient bien de cesser de faire abstinence, tu relis tes cahiers de poèmes jamais publiés, de paroles de chansons jamais mises en musique, et tu essaies de te redonner le moral comme ça, en fredonnnant...
Mots glanés si près du Pont Mirabeau que tu crois dur comme fer qu' ils t'ont été soufflés par Apollinaire...
Alors ta Chanson pour Marie, tu en es presque fier et tu la trouves jolie...
Marie a les yeux clairs
Si clairs, si bleus,
Que l'on s'y perd
Un peu...
Marie a les yeux clairs
Si clairs, si bleus,
Que ça éclaire
Au fond des yeux...
Marie plisse des paupières,
Morbleu
Ce que le soleil lui fait faire
Trop mal aux yeux...
Dans les yeux de Marie
Pardon, Pardi,
On voit des lumières
Qui vont par deux...
Les yeux dans la bière,
Je bois le bleu
Des yeux clairs
De Marie...
Marie plutôt fière
Du bleu
De ses yeux clairs,
Si clairs, si bleus...
Marie qui aurait pu,
Mais oui, mais non,
Porter pour prénom
Marie-Claire...
Sans en avoir l'air,
Le jour se fait soir,
Changement de lumière,
Le ciel s'en va s'asseoir...
Une dernière bière
Marie ne dit pas non
C'est sans manière
C'est sans façon...
Lorsque le bleu nuit
Soudain s'ennuie,
Le regard de Marie
Soudain s'éclaire...
Et l'on voit, parbleu,
Tout Paris et ses lumières,
Dans les yeux de Marie,
Et sa bière à l'envers...
Jolie frimousse,
Porcelaine de Sèvres,
Ses lèvres dans la mousse
D'un verre de bière...
Et moi, je bois,
De mes yeux verts,
Le bleu des yeux
De Marie...
Je lui offre ces vers,
Qui sont aussi,
Vers
A... demi.
Jean-Louis Crimon. La chanson amère. 2006-2010.