Cher fou de littérature,
Tu te rêves parfois une bibliothèque idéale. Il y aurait tes auteurs fétiches, tes auteurs préférés, tes auteurs adorés.
Dans ta bibliothèque idéale, il y aurait, bien sûr, les valeurs sûres, Rutebeuf, Villon, Louise Labé, Ronsard, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Théophile Gautier, Balzac, Flaubert, Maupassant, Louise Colet, Proust, Paul Nizan, Camus, Sartre, Queneau et Modiano, mais aussi Vallès, Jehan Rictus, Luc Dietrich, Henry Poulaille, Jean Meckert, Neel Doff, Eugène Dabit et Stig Dagerman.
Tu le dis à qui veut bien l'entendre, de Stig Dagerman, il faut tout lire, lire et relire surtout L'enfant brûlé et Le Serpent , et puis aussi Dieu rend visite à Newton, Les Wagons rouges et Le froid de la Saint-Jean.
Dans ta bibliothèque idéale, il y aurait aussi Roland Dorgelès, Blaise Cendrars, Pierre Mac-Orlan, André Billy, Aragon, Paul Eluard, il y aurait Elsa Triolet, Simone de Beauvoir, et peut-être Françoise Sagan, il y aurait Emmanuel Bove et Boris Vian, il y aurait Olivier Séchan, il y aurait Knut Hamsun, Per Lägerkvist, Selma Lagerlöff et Brautigan, Richard Brautigan, et Jack Kerouac, il y aurait Alberto Moravia, Elsa Morante, Erri De Luca et Dino Buzzati, il y aurait Jean Rouaud, Philippe Djian, Philippe Claudel, Philippe Delerm, et Jeanne Benameur, il y aurait Friedrich Nietzsche, Vladimir Jankélévitch, Voltaire et Rousseau, Sören Kierkegaard et Gaston Bachelard. Tu oublies Jean-Marie Lhôte et sa fabuleuse Histoire du Hasard.
Bon, assez pour ce soir, tu as encore pas mal d'auteurs à relire et à classer. Penser/Classer, de Georges Pérec. Tu l'as oublié, Pérec ! Impardonnable. Impensable.
Tu reprends Stig Dagerman et ce petit texte de 1952 Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, (Actes Sud, 1981), avec ton passage préféré, page 18, que tu relis chaque soir et chaque matin:
"Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas de me survivre et que l'éternité se soucie peu de moi. Mais qui me demande de me soucier de l'éternité ? Ma vie n'est courte que si je la place sur le billot du temps. Les possibilités de ma vie ne sont limitées que si je compte le nombre de mots ou le nombre de livres auxquels j'aurai le temps de donner le jour avant de mourir. Mais qui me demande de compter ? Le temps n'est pas l'étalon qui convient à la vie."
Tu te dis: comment est-ce possible de vouloir encore écrire après de tels mots ?