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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 00:01
Amiens. Beffroi. 31 Déc. 2015. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Beffroi. 31 Déc. 2015. © Jean-Louis Crimon

Je me demande à quand remonte ma dernière lettre reçue. La dernière enveloppe à mon nom et à mon adresse déposée dans ma boîte aux lettres par le facteur de mon quartier. En ces temps SMS, Texto, Twitter, Instagram, Whatsapp ou autre Snapchat, recevoir une lettre, une vraie lettre avec un vrai timbre, une vraie lettre avec une belle adresse manuscrite, une lettre qui ne soit pas missive EDF ou ENGIE, relance de facture impayée ou harponnage commercial, relève du miracle. Comme je ne crois pas aux miracles, j'ai cette fois vraiment décidé de m'écrire à moi-même. Une lettre par jour. La première datée du premier jour de l'année. On y est. J'y suis.

Problème : vais-je me dire "Cher vous" ou "Cher toi" ? Vais-je me tutoyer ou pas ? Ou bien dois-je m'écrire simplement comme on écrit à un ami ? Pour lui souhaiter, par exemple, Happy New Year. Même si, comme Gramsci, j'ai une sainte horreur du rituel obligé du Nouvel An. Antonio Gramsci qui écrivait il y a exactement 100 ans : "Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c'est pour moi la nouvelle année. C'est pourquoi je hais ces Nouvel An à échéance fixe qui font de la vie et de l'esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l'exercice à venir."

2016. Nouvelle année. Une année 2000, mais une seize. Seize qui rime avec A 16, l'autoroute pas loin de chez moi, même si je garde une inoxydable préférence pour les chemins de traverse. Seize qui rime avec ascèse, mode de recherche personnelle qui n'est pas pour moi. Même si donner un sens à sa vie passe par un cheminement intérieur et une forme d'exigence morale.

Gramsci encore : "Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour."

Cet après-midi du dernier jour de décembre, - va savoir pourquoi ? - j'ai voulu faire un dernier tour de ville. Bien m'en a pris. Moi qui rêvais en silence de grands espaces de mer et d'immenses plages du Nord, levant la tête vers l'horloge du Beffroi, comme pour boire à la renverse quelques secondes d'éternité, me sont tombées soudain dans les yeux d'incroyables vaguelettes de nuages blancs dessinés sur le sable bleu du ciel. Incroyable inversion des sensations. Pur instant d'éternité. Ivresse des yeux à vous chavirer un paquebot Gothique, même baptisé Cathédrale.

En fait, ce qui me fascine et m'obséde depuis toujours, c'est l'instant. Nouvel An ou pas, le temps n'a pas d'importance pour moi, le temps n'existe pas pour moi, ce qui compte, ce qui importe, ce qui l'emporte, c'est l'instant. La saveur de l'instant.

Pour le reste, je t'en parlerai une prochaine fois. Dans une autre lettre. Dans ma prochaine lettre.

 

© Jean-Louis Crimon

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